04 septembre 2006

Septembre, en attendant...

Comme tout à une fin, tout a nécessairement un début. Quand j’étais monté dans ce train on m’avait dit « tu as raison, tu dois le faire, fais-le ! » Je me souviens de ce jour où je me sentais un peu paumé sur le quai de la gare. Je ne savais pas où j’allais, mais j’en avais envie, malgré cette douleur au ventre qui ne m’avait pas torturé depuis l’anxiété d’une rentrée des classes.

Pour Herr Lehmann aussi tout a un début. Dans Neue Vahr Süd, nouvel opus de la saga, Sven Regner décrit les choix de son héros en replaçant l’action –par une chronologie digne de la série des Star Wars – au début des années 1980. On assiste à la lente prise de conscience de Frank Lehmann de son envie de fuir de quitter la ville de Brême devenue trop petite pour lui. Berlin évoquée au fur et à mesure, devient le choix nécessaire à la fin du roman, jusqu’à cette lente accélération lorsque la voiture entre sur l’autoroute et par laquelle le roman s’achève. Est-ce une fuite de vouloir partir pour laisser tout ce que l’on veut oublier derrière soi ? Est-ce au contraire un acte de courage ?

Quelles ont été mes motivations ? Une chimère, une lubie, un sens prononcé pour les voyages, l’amour de la langue de Goethe ? Je suis parti à Berlin, aujourd’hui je reviens à Paris, sans que je ne sache vraiment si je peux dire que je « rentre ». Je me demande dans quel sens puis-je maintenant parler d’aller et retour.

Je savais pourtant que je devais revenir, c’était dans l’ordre des choses ; l’ordre de la raison qui a étouffé le sentiment irrationnel qui la tourmentait.
Dans L’insoutenable légèreté de l’être Tomas se sent lui aussi poussé vers le retour par cette nécessité. « Es muss sein » (cela doit être) semble être le remède à toutes ses interrogations. Il ne sait plus quels sont ses choix, quelles sont ses motivations, et cette nécessité apporte un peu de cohérence dans un esprit troublé. La réponse n’est que temporaire, elle ne sert que cet instant précis ; les questions et les doutes refont surface ensuite, alternant avec l’assurance d’avoir fait le bon choix.

La question du retour est également celle du changement et du souvenir. On change tous de voie, mais cela se fait peu à peu, à l’intuition, à l’opportunité.
Que reste-t-il de tout ça ? Des photos, des adresses, des contacts sur MSN. Des sensations qui s’enfuient rapidement pour ne devenir que des impressions, puis du passé et enfin un vague souvenir.

« Qu'est-il resté des agonisants du Cambodge ??
Une grande photo de la star américaine tenant dans ses bras un enfant jaune.
Qu'est-il resté de Tomas?
Une inscription : il voulait le Royaume de Dieu sur la terre.
Qu'est-il resté de Beethoven ?
Un homme morose à l'invraisemblable crinière, qui prononce d'une voix sombre :
"
Es muss sein !"
Qu'est-il resté de Franz ?

Une inscription : Après un long égarement, le retour.
Et ainsi de suite, et ainsi de suite. »*


Revenir signifie aussi retrouver. J’ai retrouvé Paris inchangé, mais différente. Comme étranger dans ces rues trop étroites, ces murs que l’on a envie de pousser, je me suis senti oppressé.

Retrouver les personnes qui m’ont manqué, en essayant de ne pas penser que maintenant ceux que j’ai laissés là bas vont me manquer. L’impression de ne plus être là bas de ne pas encore être ici…
Un instant d'expectative, une salle d’attente d’aéroport, un transit, un espace mental où deux vies se croisent avant que l’une ne prenne le dessus sur l’autre. L’incertitude du mois de septembre…

« Ne pouvoir vivre qu'une vie, c'est comme ne pas vivre du tout»*


* Milan Kundera, L’insoutenable légèreté de l’être, Paris, Gallimard, 1987


[Soundtrack]

19 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est très beau tout ce que tu écris là, ....Septembre est un mois difficile en général, les vacances nous ont fait prendre un autre rythme, il faut se remettre dans le bain.
Voyons les choses positivement, tu as sans nul doute le double d'amis que ceux qui restent toujours au même endroit, tu as 2 pays où tu te sens comme chez toi, 2 endroits de villégiature, ...petit chanceux va !
;-)

sadoldpunk a dit…

partir est une fuite ET un acte de courage. Reste à déterminer ce qu'on fuit et ce qu'on affronte, pour que l'aller-retour ne soit pas une boucle fermée, mais une poussée en avant... bises.

Broutille a dit…

J'aime beaucoup ce post... peut être parce qu'il parle de fuite et de courage, d'ailleurs et de retour, de doutes et d'incertitude... (et aussi d'un des livres que j'adore le plus, l'insoutenable légèreté de l'être). Bref, beaucoup de choses qui me parlent. Et surtout, parce qu'il est très bien écrit. Il dégage une réelle émotion.
Bises ;)

Berlin Belleville a dit…

...Merci pour tous ces compliments, je vais rougir...
@ Myblogforyou : finalement où que je sois j'ai un peu le même rythme depuis environ 6 mois...C'est vrai que je vais avoir deux pays...bientôt
@ Sad : La question est celle de la boucle en effet. Tout cela mérite reflexion...
@ Dreamstock : Merci et tant mieux si j'ai réussit à traduire un sentiment par des mots...ceux de Kundera me semblaient parfaitement adaptés...

Anonyme a dit…

(C'est pas facile de réagir à cette note )

Tu as des vols pour très peu vers Berlin, tu le sais.

Et qu'est ce qui se passe quand tu sais immédiatement, dès que tu mets les pieds quelque part que c'est LA.
Chez toi.

Et que tout le confirme.
J'aime ce truc qui consiste à dire je vais réussir à faire ce que j'ai à faire, même si je dois partir.

C'est pas une lâcheté quand on en a marre de ne pas coller quelque part et qu'on préfère aller là où ca colle, même si c'est ultra risqué et que ca se paie.

Un poisson vit mal dans l'air.

J'estime que ca n'est pas une lâcheté quand on est prêt à le faire partager, l'ailleurs, comme toi tu le fait avec ton blog, ou un peu quand j'accueille des francais.
Même si je t'avoue que c'est de plus en plus dur.
Souvent j'ai l'impression qu'on est plus du même pays.
Mais c'est le cas !

Et je suis bien moins intégré que toi tu as pu l'être
(Mon allemand...)

En même temps, si on m'avais dit que je serais heureux du retour de l'hivers...
(Ca prouve bien que je suis pas un vrai berlinois !)

La facon dont même mes amis allemands me parlent de leur arrivée ici.

Ils l'ont voulu, ca a réelement changé leur vie.
Le nombre d'entre eux qui ne se voit pas vivre ailleurs...

En même temps Bremen, moi j'aime bien.
L'Allemagne est toujours différente alors...
(Vive le federalisme !)

Et puis c'est peut être aussi être chez soi avec...
Des suedois, des polonais, des australiens, des américains, des croates, des turcs...

Ou ces amis britanniques qui me disent , de retour chez eux:"retour au temps normal".
Je suis pas le seul a avoir senti ca.

Je ne peux plus me passer de ca.

Peut être que l'Europe existe plus qu'ailleurs ici, et même bien mieux que seulement l'Europe.

Maintenant l'important, c'est aussi ce qu'on fait et tu ne dois pas rentrer à Paris sans de bonnes raisons...
Et Berlin Paris...C'est pas loin en fait.

Mais en tout cas bon retour...

Et a bientôt...

Anonyme a dit…

Très très...

Très belle note, très bon choix de morceaux, que dire de plus ? c'est très, très, très, très, très, bien Berlin Belleville !

chapeau bas l'artiste

Gregory Sey a dit…

C'est beau.
C'est beau parce que tu parles de courage, de fuite, de sensibilité à des lieux dans lesquels tu voudrais être en même temps parfois.

Il y de la résonnance dans ce que tu dis.
Cela s'appelle la vie. Battre d'un côté et de l'autre, partir, revenir...
Une vie bien remplie quoi!
Et tu as raison, c'est parfois dur de se croire/savoir en Septembre.

P.M a dit…

allez viens j'te paye une bière

Berlin Belleville a dit…

@ Polymagoo : (C'est difficile de répondre à ce commentaire)
L'hiver va me manquer aussi, je ne sais plus très bien si je suis parisien ou berlinois...
Mais c'est vrai on peut être chez soi partout, il suffit de s'y habituer
Merci de ce commentaire et de tous les autres qui ont complété mes textes(et continueront de le faire)
@ Sonny : très très très merci...!!!
@ Imparfait présent : C'est vrai que c'est le moment des changements (d'identité...). C'est vrai c'est la vie...Le plus dur est de s'en apercevoir "Der Traum ist aus..."
@ Phé : Wééé !!!!

L'Anonyme de Chateau Rouge a dit…

tout n'est pas encore fait bb

L'Anonyme de Chateau Rouge a dit…

Lors de mon premier exil à Cambridge je n'ai pas eu vraiment le temps de lire ta petite note. Maintenant que je suis de retour à Paris (mais oui ! est ce vraiment un retour puisque le véritable retour se fera vers Cambridge...au moins pendant quelques années inch'Allah comme dirait ma mie.) je peux mieux me concentrer sur tes écrits. Effectivement tres beau texte. Bisous, miaou, hiboux !

Berlin Belleville a dit…

@ l'AdCR : bienvenu dans le monde des "allers et retours"...Enfin internationaux cette fois !

Anonyme a dit…

Ce qui est le plus difficile, c'est de ne plus bouger du tout. C'est d'être quelque part et de rêver d'ailleurs tout en sachant que la réalité suit de près et que bouger n'est plus si évident.
merci d'être passé chez moi Monsieur B.Belleville. ;-)

Anonyme a dit…

C'est toujours triste de quitter un endroit. Quand on y arrive, on rêve de ce qu'on vient de quitter pour venir la. Et on a à peine le temps de s'habituer qu'on doit déjà faire ses bagages. Et il ne nous reste plus que quelques souvenirs et l'impression d'être un étranger à nouveau.

Et juste l'envie de repartir qui nous taraude. Mais faut-il repartir et se rendre compte que meme nos souvenirs se trouvent changés?

Au final, on reste an stand by dans un hall d'attente. Celui de notre indécision, de l'impression d'être déchiré entres différents endroits, différentes identités, différents nous...

Berlin Belleville a dit…

@ ema : je pense que tu résume bien ce qui me fait peur en ce moment...Je crois qu'on appelle ça tout simplement vieillir...Merci de venir aussi chez moi, tu es la bienvenue..
@ lunil : en l'occcurrence, les bagages ont été défaites, étalées et dispérsées...C'est vrai tout change en
notre absence, la vie ne serait-elle qu'un grand souvenir mythifié..."Sehnsucht" !!!

Anonyme a dit…

Qu'est ce que ca peut être narcissique un blogg... Il y a des fautes d'orthographe, c'est très vilain...

Berlin Belleville a dit…

C'est vrai ! (Blog ne prend qu'un G)
Bienvenu(e) dans le monde de Narcisse ami anonyme !

Anonyme a dit…

Et comme disait une amie à moi, "les blogs sont des mini-dictatures"

Berlin Belleville a dit…

;-)