01 mai 2011

One trip, one noise VII

Une voiture qui roule sur le périphérique la nuit, malgré les embouteillages de la porte d'Aubervillers. Retour de soirée dans la proche banlieue colonisée par défaut.

Une soirée où l'on se retrouve pour fêter le temps qui passe. Souvenirs en action d'une époque révolue. Les cheveux ont grisonné, mais les visages plus fatigués ne changent pas. L'ambiance non plus, la révolte se fait toujours entendre. Résurgences du mois de mai, mais les « intellectuels de gauche » finissent toujours par se marier... On tente d'allumer moins de cigarettes en se consolant sur les bouteilles vidées. Les verres sont toujours renversés dans un regard désolé.

Le temps a passé, comme Si rien ne bouge. On rentrera quand même plus tôt, signe que ces années ont compté...

Et sur le périphérique, comme pour coller à l'atmosphère, dans l'auto-radio, le grand mixe de Nova fait ressurgir du lointain la bande son de cette époque passée, de ce fugace moment retrouvé....


12 octobre 2010

Das war mein Text...

« Ich habe überhaupt keine Ahnung, wann das anfing mit der ganzen Scheiße. Das ist das Komische daran. Das ist wie mit dem Untergang des römischen Reiches, da weiß auch keiner, wann das eigentlich anfing. »

06 octobre 2010

Sans titre (10)


Alexanderplatz, 26 septembre 2010, 16h45

05 août 2010

Belleville Stories (1)


Ils parlent toutes les langues. Des touristes venus du monde entier pour admirer la plus belle ville du monde. Ils montent surement à Anvers, la station qui indique la correspondance avec le funiculaire de Montmartre.

Alternance sur la ligne deux. Les vieilles rames pourries cèdent la place au métro rutilant et flambant neuf. Une alternance des rames qui semble être révélatrice de celle des passagers. Les noirs, les beurs, les asiatiques, les clandestins et les paumés occupent les vieux sièges en skaï marron lacéré de la rame des années 80 sur le sol duquel gît un reste de frites séculaire qui vient rencontrer des traces liquides que l'on préfère imaginer être de la bière échappée de la boite en métal des maladroits de la nuit.
Le métro flambant neuf est un peu fait pour les touristes. Les admirateurs de Montmartre avec leurs sac à dos de rando, leurs baskets neuves et leurs guides dans toutes les langues qu'ils tiennent à la main. En famille ils occupent les sièges aux couleurs criardes et à la disposition originale, ils profitent de la climatisation et ne semblent pas entendre le bruit strident du crissement des freins de la rame qui fait sursauter les habitués sur le quai.

Je suis monté en courant dans une rame toute neuve, à l'arrière, dans une station où le métro est aérien. Il n'était pas encore trop tard, le métro avait ses occupants. Je ne me suis pas arrêté pour m'adosser contre la vitre, j'ai remonté la rame d'un pas décidé, d'un pas qui aurait pu me ramener plus vite vers Belleville, vers la sortie située à l'avant du métro. Pour ne pas être comme eux aussi, pour ne pas me mêler, pour avancer dans ce métro en mouvement. Des regards interrogés, des gens qui se poussent incertains et surpris devant le pas décidé.
A l'avant du métro, la population était moins nombreuse, plus familière peut être. C'est surement pour ça que j'ai décidé de m'assoir.

Ce couple métissé avait l'air heureux, ils riaient, rentraient chez eux dans un sourire. Dans leur complicité étalée - volontairement ou non - aux autres passagers. Mais mon regard ne pouvait pas se détacher de ce type assis en face de moi.
Les autres gens le regardaient aussi. Sans doute parce qu'il bavait quand régulièrement il prenait une gorgée de bière bon marché et forte en degré d'alcool qu'il devait avoir achetée dans une épicerie de nuit. Il avait les yeux fermés. Mais ce n'est pas pour ça qu'il avait du mal à boire.
Dans la main gauche il tenait un paquet de cigarettes vide, écrasé et une stéribox ouverte. Le paquet de cigarettes n'en n'avait pas contenu depuis longtemps. La stéribox, elle, était fraichement ouverte.L'été permet de dévoiler les facettes de chacun. Dans la manière de s'habiller surtout. Il est difficile de cacher les marques bleues qui couvrent les veines de l'avant bras gauche quand on porte un t-shirt.

Les touristes et les autres se sont progressivement éloignés de lui, de moi.

Peut être étaient-ils encore là, un peu plus loin.
Peut-être pouvait-on encore entendre leurs voix.
Peut-être aurais-je du faire comme eux, m'éloigner un peu.
Mais je suis resté en face de lui, je ne crois pas l'avoir regardé, j'ai attendu et je suis descendu à Belleville...



04 août 2010

quote (5)

Bela Lugosi : Karloff ? Sidekick ? FUCK YOU ! Karloff did not deserve to smell my shit ! That limey cocksucker can rot in Hell for all I care !

Edward D. Wood, Jr. : What happened ?

B. L. : How dare that asshole bring up Karloff ? You think it takes talent to do Frankenstein ? It's all makeup and grunting.

E. W. : Bela, I agree with you 100%. Now, Dracula, that's a role that requires talent.

B. L. : Of course. Dracula requires presence. It's all in the eyes, and the voice, and the hands...

E. W. : ...That's right. That's right. You seem a little agitated. You wanna to go outside and get some air ?

B. L. : Bullshit ! I'm ready now ! Roll the camera !




06 avril 2010

Ridiculus sum


« Nous étions à l’étude, quand le Proviseur entra, suivi d’un nouveau habillé en bourgeois et d’un garçon de classe qui portait un grand pupitre. Ceux qui dormaient se réveillèrent, et chacun se leva comme surpris dans son travail.

Le Proviseur nous fit signe de nous rasseoir ; puis, se tournant vers le maître d’études :

— Monsieur Roger, lui dit-il à demi-voix, voici un élève que je vous recommande, il entre en cinquième. Si son travail et sa conduite sont méritoires, il passera dans les grands, où l’appelle son âge.

Resté dans l’angle, derrière la porte, si bien qu’on l’apercevait à peine, le nouveau était un gars de la campagne, d’une quinzaine d’années environ, et plus haut de taille qu’aucun de nous tous. Il avait les cheveux coupés droit sur le front, comme un chantre de village, l’air raisonnable et fort embarrassé. Quoiqu’il ne fût pas large des épaules, son habit-veste de drap vert à boutons noirs devait le gêner aux entournures et laissait voir, par la fente des parements, des poignets rouges habitués à être nus. Ses jambes, en bas bleus, sortaient d’un pantalon jaunâtre très tiré par les bretelles. Il était chaussé de souliers forts, mal cirés, garnis de clous.

On commença la récitation des leçons. Il les écouta de toutes ses oreilles, attentif comme au sermon, n’osant même croiser les cuisses, ni s’appuyer sur le coude, et, à deux heures, quand la cloche sonna, le maître d’études fut obligé de l’avertir, pour qu’il se mît avec nous dans les rangs.

Nous avions l’habitude, en entrant en classe, de jeter nos casquettes par terre, afin d’avoir ensuite nos mains plus libres ; il fallait, dès le seuil de la porte, les lancer sous le banc, de façon à frapper contre la muraille en faisant beaucoup de poussière ; c’était là le genre.

Mais, soit qu’il n’eût pas remarqué cette manœuvre ou qu’il n’eut osé s’y soumettre, la prière était finie que le nouveau tenait encore sa casquette sur ses deux genoux. C’était une de ces coiffures d’ordre composite, où l’on retrouve les éléments du bonnet à poil, du chapska, du chapeau rond, de la casquette de loutre et du bonnet de coton, une de ces pauvres choses, enfin, dont la laideur muette a des profondeurs d’expression comme le visage d’un imbécile. Ovoïde et renflée de baleines, elle commençait par trois boudins circulaires ; puis s’alternaient, séparés par une bande rouge, des losanges de velours et de poils de lapin ; venait ensuite une façon de sac qui se terminait par un polygone cartonné, couvert d’une broderie en soutache compliquée, et d’où pendait, au bout d’un long cordon trop mince, un petit croisillon de fils d’or, en manière de gland. Elle était neuve ; la visière brillait.

— Levez-vous, dit le professeur.

Il se leva ; sa casquette tomba. Toute la classe se mit à rire.

Il se baissa pour la reprendre. Un voisin la fit tomber d’un coup de coude, il la ramassa encore une fois.

— Débarrassez-vous donc de votre casque, dit le professeur, qui était un homme d’esprit.

Il y eut un rire éclatant des écoliers qui décontenança le pauvre garçon, si bien qu’il ne savait s’il fallait garder sa casquette à la main, la laisser par terre ou la mettre sur sa tête. Il se rassit et la posa sur ses genoux.

— Levez-vous, reprit le professeur, et dites-moi votre nom.

Le nouveau articula, d’une voix bredouillante, un nom inintelligible.

— Répétez !

Le même bredouillement de syllabes se fit entendre, couvert par les huées de la classe.

— Plus haut ! cria le maître, plus haut !

Le nouveau, prenant alors une résolution extrême, ouvrit une bouche démesurée et lança à pleins poumons, comme pour appeler quelqu’un, ce mot : Charbovari.

Ce fut un vacarme qui s’élança d’un bond, monta en crescendo, avec des éclats de voix aigus (on hurlait, on aboyait, on trépignait, on répétait : Charbovari ! Charbovari !), puis qui roula en notes isolées, se calmant à grand-peine, et parfois qui reprenait tout à coup sur la ligne d’un banc où saillissait encore çà et là, comme un pétard mal éteint, quelque rire étouffé.

Cependant, sous la pluie des pensums, l’ordre peu à peu se rétablit dans la classe, et le professeur, parvenu à saisir le nom de Charles Bovary, se l’étant fait dicter, épeler et relire, commanda tout de suite au pauvre diable d’aller s’asseoir sur le banc de paresse, au pied de la chaire. Il se mit en mouvement, mais, avant de partir, hésita.

— Que cherchez-vous ? demanda le professeur.

— Ma cas…, fit timidement le nouveau, promenant autour de lui des regards inquiets.

Cinq cents vers à toute la classe ! exclamé d’une voix furieuse, arrêta, comme le Quos ego, une bourrasque nouvelle. – Restez donc tranquilles ! continuait le professeur indigné, et s’essuyant le front avec son mouchoir qu’il venait de prendre dans sa toque : Quant à vous, le nouveau, vous me copierez vingt fois le verbe ridiculus sum. »

Gustave Flaubert, Madame Bovary, 1857


13 mars 2010

Ma môme

Une matinée du mois de Juin à deux sur un scooter sur le boulevard des maréchaux désert. Arpenter le pavé parisien avec un ami. On trouve toujours des trésors dans les premières heures des brocantes de la capitale. J'avais trouvé ce vinyle à un euro. Et puis R. de sa sagesse m'avait dit que c'était un bel album, pour Le bruit des bottes surtout.

Quelques années auparavant à la fête de l'huma, je l'avais croisé au stand des Amis de l'humanité. Il n'avait pas chanté. Il avait juste évoqué son parcours de Tenenbaum à l'Ardèche. Un moment émouvant qui avait été guidé par un autre quelques jours avant.

Dans cette petite librairie de la rue de Tolbiac j'étais entré pour acheter le numéro 'spécial fête' de l'Humanité avec lequel était vendue la place. Le petit monsieur au chandail et aux charentaises qui d'un air bougon sortait de l'arrière boutique avait retrouvé le sourire en me vendant le journal. « Il paraît qu'il y a Jean Ferrat cette année. Je regrette d'être trop vieux pour y aller, vous avez de la chance... »
Alors j'étais allé le voir.

Peut être un peu pour lui aussi.

En souvenir de Boris,

Pour avoir rêvé au printemps,

En groupe en ligue en procession,

Pour le sourire triste et beau d'Anna Karina à Créteil...



Au moment du Bilan on se révolte encore, on espère et on souffre. Mais on se bat. La voix monte et ne retombe pas, le combat jusqu'au bout. Le compagnon de route continue de défendre les valeurs, celles que l'on veut pour la France. Et puis chanter pour porter la colère, et non pour passer le temps...

« Il se peut que je vous déplaise

En peignant la réalité

Mais si j'en prends trop à mon aise

Je n'ai pas à m'en excuser... »




Tu nous manqueras Camarade....