Les journées mornes d’automne sont arrivées. Le froid sec, le ciel bleu et le soleil éphémère du mois de novembre ont ceci de rassurant et d’angoissant qu’ils me rappellent mon enfance.
Le souvenir de ces grandes plaines du nord de la France, dont le soleil bas éclaire la froideur, de cette terre remuée et travaillée, ce sol gras qui colle aux chaussures lors de la promenade dominicale, est présent, malgré un quotidien fait d’asphalte et de promiscuité.
C’est « l’homme qui fait la terre » faisait dire Zola à son narrateur dans La Terre*. C’est aussi lui qui la défait.
Les commémorations du 11 novembre sont pour moi intimement liées à ce sentiment de tristesse et de monotonie du mois de novembre. Mon instituteur, ce « hussard noir », que l’on aurait pu croire sorti d’un roman de Charles Péguy, nous faisait apprendre tous les ans « l’Hymne aux morts » de Victor Hugo, que le meilleur orateur devait réciter devant le conseil municipal lors du dépôt de gerbe, solennel et républicain, devant le monument aux morts, subissant du même coup les dissonances du clairon des ces pompiers volontaires, dont la sobriété allait pâtir du pot offert dans la salle communale.
«Ceux qui, pieusement, sont morts pour la patrie
Ont droit qu’à leur cercueil, la foule vienne et prie.
Parmi les plus beaux noms, leur nom est le plus beau.
La voix d’un peuple entier les berce en leur tombeau. »
…
La guerre est « la mort de la culture » comme le dit l’un des personnages de La Terre*. C’est surtout la mort des cultivateurs. Ce n’est pas la mort de la Terre …
Je n’ai pas de nostalgie de ce monde que je qualifierai de « la terre», je ne me sens pas attaché particulièrement à elle. J’éprouve quand même un sentiment curieux en sa présence, un sentiment d'affection mêlé de répulsion, sentiment paradoxal et anachronique sur une identité mythique qui n’existe peut-être déjà plus…
* Emile Zola, La Terre, 1887
[Soundtrack]
- La chanson de Craonne, Anonyme, 1917
18 commentaires:
Prolifique ces jours-ci, berlin... content de voir que mon cher Zola remue des souvenirs... quant à novembre, c'est effectivement le mois le plus triste de l'année.
Un temps pour faire une bonne guerre LOL
http://www.youtube.com/watch?v=TH09cX_Sd4M
(C'est con mais ca me remue enormement, j'ai presque envie de le poster partout)
...Es war einmal ein treuer Husar,
Der liebt' sein Mädchen ein ganzes Jahr,
Ein ganzes Jahr und noch viel mehr,
Die Liebe nahm kein Ende mehr.
Les concours peuvent drôlement affaiblir un homme, c'est tristement tragique..
Bref, moi je trouve qu'on a plutôt de la chance pour un mois de novembre, enfin mes considérations météorologique ne regardent que moi...
Écoutez la bonne parole mes chers enfants et réjouissez vous de la victoire de la France en ces temps glorieux...
Croyez en l'expérience d'un homme aux mains autrefois rougies par le sang, dansez et riez auprès de l'âtre et souffrez pour nos grands pères morts pour la Frien...
ah oui? c'est marrant moi le plat pays qui est aussi le mien je l'adore en automne par ces jours glacés et lumineux: l'horizon y est infini...la campagne, quoi :)
Peste soit du sucre...
@ Sad : Je ne sais pas si c'est novembre ou le Zola, généreusement prêté, qui remue le plus les souvenirs...l'atmosphère peut être ;-)!
@ Sonny : ou la finir...!
@ Polymagoo : "Les sentiers de la gloires", un film culte de mon adolescence. Ca me rappelle également l'expo sur Kubrick il y a 3 ans au Martin-Gropius-Bau à Berlin...!
De qui sont ces magnifiques vers ? J'avoue mon ignorance. c'est très beau et très juste en tous cas...
@ vite di : L'esprit est fort la chaire est faible, effectivement..
Vive la Frrraaance et Radio Courtoisie !
La mort des paysans dans la première guerre mondiale : vaste sujet... ;-)
@ Süsser Bonbon : Justement la campagne...! Ravi d'être entre connaisseurs, mais les expériences sont diverses...
@ Bettegrave : Je ne mange d'ailleurs que du sucre de canne ou du miel (où est passée la solidarité paysanne, les valeurs se perdent...!)
@ tous :
Lectures (selectives) du Week end :
"Johnny Got His Gun", Dalton Trumbo, 1939
"Im Westen nichts neues", Erich Maria Remarque, 1929
"Les croix de bois", Roland Dorgelès, 1922
Filmographie (selective)du Week end :
"Johnny Got His Gun", Dalton Trumbo, 1971
"All Quiet on the Western Front", Lewis Milestone, 1930
"Les croix de bois", Raymond Bernard, 1932
je ne me lasse pas de ce soleil d'hivers...
En fait c'est la chanson que chante l'actrice:
"Der treue Husar"
Le texte complet (Et la trad anglaise ) est ici:
http://ingeb.org/Lieder/dertreue.html
Je crois que c'est un chant traditionnel de Köln.
Les peinture d'Otto Dix sont aussi assez éloquentes sur le sujet...
"La guerre civile européene"...
Johnny Got His Gun, je l'ai lu à 14 ans, vu à 18, et il m'a traumatisé les deux fois... Les Croix de Bois, ni lu ni vu...
L'automne c'est aussi un doux soleil qui réchauffe les forêts aux feuillages enflammés, ...il y a toujours 2 façons de voir les choses ;-)
..l'utilisateur anonyme c'est moi!! j'avais oublié de m'identifier :o)
@ Dreamstock : Remontant de la rue du faubourg, puis de la belle ville, c'est là qu'il est le plus beau...
@ Polymagoo :
Merci pour les infos poétiques...
J'ai vu les dessins de guerre d'Otto Dix cet été en Croatie, je ne connaissais pas...C'est impressionnant , prenant, angoissant...mais beau et on imagine l'horreur que ça a du être...
La guerre civile européenne qui trouve des pansements dans l'art et les solidarités internationales...Le parti du front...
"Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand", mais c'est une autre histoire...!
@ Sad : J'ai vu Johnny Got His Gun un peu plus âgé que toi, mais j'ai quand même été traumatisé...
@ Myblogforyou : le sol, même en forêt reste lourd et gras pour moi...deux façons de voir effectivement ;-)
Otto Dix n'as pas fait que ces "triptiques" etc sur la guerre, mais c'est marquant.
La mort industrielle première fournée...
Assez curieusement je ne peux pas m'empecher de rapprocher ca de la Guerre de Secession américaine, certainement à cause des massacres absurdes et de l'incurie des chefs...
(Sans parler des marquages sociaux...après tout dans eiserne Gustav, un des 2 fils Hackendal meurt au front dans la boue, l'autre fait la java avec ses collègues officiers...)
Je prends note !
Je suis d'accord avec Myblogforyou, d'ailleurs je ne l'attendais plus cette arrivée soudaine des feuillages enflammées, je suis bluffée. cela dit il n'y en a pas que dans les forêts, aussi beaucoup en ville, comme tout ce lierre rouge qui serpente les murs de certaines maisons...
Louis Barthas, un tonnelier du Languedoc a laissé des carnets de guerre passionants sur la première guerre mondiale. Alors qu'il est sur le point d'entrer dans un cimetière, il remarque sur un arc de triomphe en branches de sapin, les vers de Victor Hugo que tu cites. Cela lui inspire les mots suivants : Si Victor Hugo était en vie, il protesterait sûrement contre l'abus qu'on faisait de ces vers. Il aurait trouvé d'autres paroles pour condamner les auteurs de la guerre et ceux qui n'avaient pas fait tous leurs efforts pour l'éviter. C'était un cimetière de luxe; on croyait sans doute nous faire plaisir en nous faisant constater que les morts étaient bien reçus, bien choyés.
@ Sonic eric : c'est pour ça et pour montrer également ces contradictions que j'ai mis la chanson de Craonne...
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