05 août 2010

Belleville Stories (1)


Ils parlent toutes les langues. Des touristes venus du monde entier pour admirer la plus belle ville du monde. Ils montent surement à Anvers, la station qui indique la correspondance avec le funiculaire de Montmartre.

Alternance sur la ligne deux. Les vieilles rames pourries cèdent la place au métro rutilant et flambant neuf. Une alternance des rames qui semble être révélatrice de celle des passagers. Les noirs, les beurs, les asiatiques, les clandestins et les paumés occupent les vieux sièges en skaï marron lacéré de la rame des années 80 sur le sol duquel gît un reste de frites séculaire qui vient rencontrer des traces liquides que l'on préfère imaginer être de la bière échappée de la boite en métal des maladroits de la nuit.
Le métro flambant neuf est un peu fait pour les touristes. Les admirateurs de Montmartre avec leurs sac à dos de rando, leurs baskets neuves et leurs guides dans toutes les langues qu'ils tiennent à la main. En famille ils occupent les sièges aux couleurs criardes et à la disposition originale, ils profitent de la climatisation et ne semblent pas entendre le bruit strident du crissement des freins de la rame qui fait sursauter les habitués sur le quai.

Je suis monté en courant dans une rame toute neuve, à l'arrière, dans une station où le métro est aérien. Il n'était pas encore trop tard, le métro avait ses occupants. Je ne me suis pas arrêté pour m'adosser contre la vitre, j'ai remonté la rame d'un pas décidé, d'un pas qui aurait pu me ramener plus vite vers Belleville, vers la sortie située à l'avant du métro. Pour ne pas être comme eux aussi, pour ne pas me mêler, pour avancer dans ce métro en mouvement. Des regards interrogés, des gens qui se poussent incertains et surpris devant le pas décidé.
A l'avant du métro, la population était moins nombreuse, plus familière peut être. C'est surement pour ça que j'ai décidé de m'assoir.

Ce couple métissé avait l'air heureux, ils riaient, rentraient chez eux dans un sourire. Dans leur complicité étalée - volontairement ou non - aux autres passagers. Mais mon regard ne pouvait pas se détacher de ce type assis en face de moi.
Les autres gens le regardaient aussi. Sans doute parce qu'il bavait quand régulièrement il prenait une gorgée de bière bon marché et forte en degré d'alcool qu'il devait avoir achetée dans une épicerie de nuit. Il avait les yeux fermés. Mais ce n'est pas pour ça qu'il avait du mal à boire.
Dans la main gauche il tenait un paquet de cigarettes vide, écrasé et une stéribox ouverte. Le paquet de cigarettes n'en n'avait pas contenu depuis longtemps. La stéribox, elle, était fraichement ouverte.L'été permet de dévoiler les facettes de chacun. Dans la manière de s'habiller surtout. Il est difficile de cacher les marques bleues qui couvrent les veines de l'avant bras gauche quand on porte un t-shirt.

Les touristes et les autres se sont progressivement éloignés de lui, de moi.

Peut être étaient-ils encore là, un peu plus loin.
Peut-être pouvait-on encore entendre leurs voix.
Peut-être aurais-je du faire comme eux, m'éloigner un peu.
Mais je suis resté en face de lui, je ne crois pas l'avoir regardé, j'ai attendu et je suis descendu à Belleville...



2 commentaires:

toxicavengeresse a dit…

La rentrée, c'est aussi celle des histories de Belleville, non?

Berlin Belleville a dit…

Elles arrivent, elles arrivent....