C’était un mois de février comme les autres lorsque j’allais pour la première fois à Berlin. J’ai le souvenir d’avoir beaucoup erré dans le froid et la nuit, dans ce quartier qui - je ne le savais pas encore - allait devenir le mien. A l'époque Berlin m'avais fait un effet curieux, de tristesse et de froideur attirantes, que je n'ai jamais retrouvé. Cette ville n'avait pas encore sa réputation actuelle de ville underground pour grand public. Il fallait vraiment être Avant-avant-gardiste pour l’aimer.
L'architecture n'était pas encore polluée par ces reconstructions qui progressent aussi vite que la ville est attractive. Berlin n'était redevenue capitale que depuis peu et beaucoup d'administrations ne s'y trouvaient pas encore. La vaste esplanade devant le Reichstag était encore un terrain vague, l’allée d’Unter den Linden recouverte de palissades de chantier et de tuyaux roses qui passaient à deux mètres du sol pour dériver toutes les canalisations, gaz, électricité, eau. Je me souviens de cette image de l’arrivée en Bus sur Alexanderplatz à 7h du matin et de cette immense publicité Coca-Cola, qui donnait l'impression d'être à Saïgon, une de ces publicités placée au sommet des building de l'Est, où les lettres forment l'armature, sans fond pour les porter. L' Alexanderplaltz était encore comme elle était en novembre 1989 alors que maintenant elle a été entièrement « rénovée » pour être intégrée dans le « nouvel espace urbain. »
Berlin était une autre ville qui est restée ancrée en moi. Cette ville du changement du siècle intervenu entre le 9 novembre 1989 et son assurance retrouvée début des années 2000, était hésitante, elle avait du mal à trouver sa place. Après le départ des Alliés en 1994 elle retrouvait sa souverainneté et ne savait qu’en faire, perdue dans ses habits trop grands. Ce visage de la ville qui n’a été que trop bref me revient chaque fois que j'écoute Spirit Chaser que j'écoutais à l'époque en cassette sur mon Walkman en déambulant le matin sur la place des Nations Unies, triste sans sa statue de Lénine, enfoui dans mon écharpe, essayant vainement de trouver un endroit ou dormir après ces nuits agitées. Il m’est arrivé de m’endormir sur les banquettes du hall de la neue Nationalgalerie de Mies van der Rohe après avoir vu une l’exposition d’art contemporain qui replongeait dans les années florissantes de la capitale de la République de Weimar. Et l’Histoire se dévoilait encore lorsque l’on découvrait au détour d'une rue des morceaux de murs qui n'avaient pas encore été détruits et qui le sont maintenant.
Il me suffit d’écouter à nouveau Dead Can Dance pour sentir encore cette atmosphère et trouver une traduction à cette expression allemande intraduisible qu’est Sehnsucht.
Berlin est un tâtonnement dans un passé inexistant, un intervalle fugace dont la compréhension est une mise en abyme par son ancrage dans le réel.
Ma décision de partir à Berlin était bien plus que la recherche d’une expérience, elle était déjà nostalgique, fantasmée.
- Song Of The Stars- Dead Can Dance (Spirit Chaser, 1996)
- Indus - Dead Can Dance (Spirit Chaser, 1996)
- The Snake And The Moon - Dead Can Dance (Spirit Chaser, 1996)
21 commentaires:
Joli texte, cher BB, et joli album aussi que ce "Spirit Chaser"...
merci...
enfin pour "Spiritchaser", j'y suis pour rien !
Et toi, tu commentes ton propre post... et ben, ça râloche, ça ralôche ! euh moi, Berlin, je suis peut-être trop vieille en fait !
oui je commente, mais ça m'arrive souvent...
Je ne pense pas que tu sois trop vieille, je pense que ça se vaut en ce qui concerne Berlin, le véritable changement n'a pas eu lieu en 1990, mais plutôt en 2001-2002 (ou alors c'est là qu'il est devenu le plus visible !)
et ca change encore...
Le plus drôle c'est de voir des rades de mon coin devenir des caf' con's pour etudiant branchouille, c'est nouveau, Neuköln devient Trendy...
Craß...
Je suis allée à Berlin la première fois après 90. quand même, je ne suis pas née en 68 !
Si ça change si vite ton guide risque d'être obsolète mon petit BB. Mais je le prendrais quand même pour mon escapade à Berlin.
Cela dit Belleville change aussi très vite, hier quartier juif et arabe, aujourd'hui remplacés par une forte communauté asiatique, qui commence à être chassé lentement par les "bobos" nouveaux.
Cela dit ce joli texte me rassure quant à ta présence parmis nous samedi 24, car des rumeurs prétendais que tes révisions ne te permettrais pas de festoyés parmis nous. Mais si c'était le cas, tu n'aura pas eu le temps de pondre si belle prose pleine de nostalgie !! ;-)
> Anonyme : Oui je crois que Berlin s'est engagée dans une voie qui me plait de moins en moins, mais bon "mein Berlin blieibt mein Berlin..." ça me permet de m'approprier des lieux qui m'échappent...
> Papilhomme : :-)
> Alien D : les "bobos" sont plutôt à Jourdain tu sais... autour de chez moi les flics et les jeunes continuent de s'insulter et de se bagarrer...
Bah je vais pas me plaindre qu'il y ait de la vie dans mon Kiez...
(Y'a des moments où je me dit qu'apprendre le turc ca serait pas mal...C'est joli le turc.)
(L'anonyme c'était moi, bug bug)
Quoi? Des bobos à Jourdain? Et on ne me dit rien?
Oui il y a des bobos à jourdain mais ceux-là sont encore fréquentable parce qu'il ne se cloitre pas dans des cours privés où le règlement de la copropriété s'érige en dogme dictatorial.
Je parle d'une découverte récente de la "cour des bretons" non loin de Belleville. Et l'invasion de ton Belleville par les nouveaux bobos n'est qu'une question de temps.
Regarde ce qu'il en ait de la forteresse imprenable de la rue d'Aubervilliers, à moins que tu ne considère pas Guillaume comme étant un bobo.
> Polymagoo : c'est vrai que ça a du charme le turc, au delà des clichés "salad komplet alles..."
> Sad : non, non, je t'assure... (Chut il faut pas le dire c'est un secret !)
> Alien-D : Je ne connais pas ce lieu dont vous parler près de Belleville mais je connais le concept.
Vous êtes apparemment nouveau dans la blogosphère, donc bienvenu par ici. Mais qui est ce Guillaume dont vous parlez ?
Du temps du mur, j'ai eu pendant quelques mois un appart à Berlin. Quelques années après quand j'y suis retourné, tout le quartier avait été rasé et même le nom des rues, si elles n'avaient pas disparu, avait changé. Du coup je ne sais plus où j'habitais, ils ont tout effacé.
Hello, Mr BB,
C'est toujours aussi bien ici. Je viens de changer l'URL de mon blog. La nouvelle adresse est :
http://parisiancowboy.blogspot.com
So long, my friend,
Parisian Cowboy
Je connais moi aussi le principe décrit par Alien-D (et plus précisément le lieu dont il parle, la cour des bretons...) ; hé bien, je suppose qu'à Paris (comme dans le centre de nombreuses métropoles) l'on est voué à s'enrichir ou disparaître...
On ne peut pas reprocher à des gens de s'installer dans tel ou tel quartier, mais plutôt d'en anéantir la vie, culturelle, de s'y cloisonner, et d'en interdire l'accès à ceux-là même que la flambée de l'immobilier avait chassés...
Oui, cette question des copropriétés fermées, grillagées est un problème.
PS : Spiritchaser ! Très bonne idée...
une nostalgie noire, un regard touchant sur une ville que je ne connais point et que je découvre au fil de tes billets...
hello, tres interessant ton texte...
ha Berlin !
(je ne l'ai pas connu avant 2000 malheureusement, mais j'aime bien...)
touours pas mis le bout d'une botte à berlin.
mais j'aime beaucoup ce blog !
Ce que j'aime à Berlin justement c'est cette perpétuelle quête d'elle-même.
Et en m'y rendant j'ai été frappée par ce côté "non fini". Berlin reste la ville de la chute du mur, la ville de la transition selon moi.
Sinon c'est un très bel article que tu nous offres ! :-)
le problème c'est que le fini ne va pas tarder à pointer son nez et Berlin ne sera plus "mein Berlin"
Merci pour les compliments et pour ton passage...
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