Pour être honnête je n’en sais rien. A mon avis cette question relève plus de la philosophie que de l’histoire. Dans mes souvenirs si Lénine a publié Que faire ? en 1902, puis L’Etat et la Révolution en 1917 c’est justement parce qu’il considérait que les idées de Karl Marx ne pouvaient s’appliquer concrètement telles quelles.
Même si tous les deux s’opposent à Hitler, leurs motivations divergent par leur perception et leur situation. Symboliquement c’est une usine qui sauve Steiner et ses hommes des chars soviétiques et de la trahison de Stransky, alors que celui-ci s'éloigne des champs de bataille.
Film de Sam Peckinpah oblige, il joue sur la mélancolie, mais aussi sur la lassitude d'une époque perdue. Plus précisément sur une époque qui joue de ce sentiment de perte ; si l’époque est perdue, ses habitus et ses réflexes ne le sont pas. Au milieu de la plaine de Crimée Orientale alors que l’armée allemande survit à peine, tente de s’organiser après Stalingrad, les paradigmes du monde perdu résonnent comme une cynique victoire sur la mort.
L’aristocratie se contente ici de jouer son rôle social et non d’affirmer son éthique, elle assure la continuité entre l’honneur passé et l’adaptation à la situation présente. Finalement seul Steiner se bat pour la dignité, non pour celle de sa classe sociale, mais pour prouver que ce monde n’est plus…
Peut être que tout simplement les « héros » qui ont résisté à Hitler le 20 juillet 1944 ne l’ont fait qu’après avoir obtenu la croix de fer, consolider l’ordre ancien par le bais du second avant de contester ce dernier.
Ces hommes n’ont plus de « chez eux », le front devient leur demeure où la société s’organise à nouveau sur les cendres de Stalingrad mais où les aristocrates restent à leur place à la quête des croix de fer.
Seul espoir de renversement des équilibres, lorsque Stransky déclare avec morgue à Steiner qu’il va lui montrer comment se bat un officier prussien, Steiner de lui répondre qu’il va lui montrer où poussent les croix de fer. Inversion symbolique de l’ordre social dans lequel les ‘prolos’ montrent la voie aux ‘aristos’ ; mais ils savent qu’ils n’en profiteront pas, ils ne font cela que pour leur honneur, c’est tout ce qui leur reste…
Sam Peckinpah, Cross of Iron, 1977 (Générique de fin)
Peut être est-ce là la meilleure illustration de ce « dandysme punk » que j’essaie de définir depuis quelques jours, une désillusion de l’aristocratie et de ses valeurs qu’elle ne peut incarner, dans sa décadence.
10 commentaires:
Des fois, je me dis, entre deux bâillements, les yeux abimés par l'ordinateur et le manque de sommeil, que j'ai encore plein de choses à apprendre de mon Protter... Un jour viendra où une foule de midinettes estudiantines se bousculera aux portes de ses cours. Et d'autres aussi.
...
:-)
On admire moins la muse, on admire l'artiste...
que tes fans sont cruel avec moi!
En dehors de ça, je suis content que tu ais compris l'axe que je voulais mettre en valeur dans cette question.
l'exemple est sublime, et tu m'as permis de voir des symboles politiques dans Les Croix de Fer qui m'avaient totalement échappé.
Pourquoi me suis je posé cette question?
Car je remarque de plus en plus que les hommes politiques, les économistes, les "experts" ou les journalistes qui nous vendent les "réformes" sont tous sous extases vis à vis de l'idéologie de Milton Friedman.
En finissant le bouquin de Naomi Klein (qui approfondi le chemin de Noam Chomsky- avec une certaine distance démocratique-, avec en plus un talent certain pour l'écriture en plus) je ne peux que constater que Milton Friedman avait conscience que pour appliquer ces idées il fallait utiliser la force.
Qu'il fallait tuer et torturer le maximum d'individus subversifs.
Il en était conscient et a travaillé pour en persuader ces élèves puis les hommes politiques qu'ils conseillaient ( Pinochet au chili en 73, Ziyang en Chine en 89).
Je n'ai pas encore lu Milton Friedman dans le texte.
J'ai lu Marx (il y a bien longtemps oui je sais)
Je remarque juste que les idées de Marx sont potentiellement porteuse d'humanité.
Celle de Friedman sont consciemment orienté vers les massacres.
Lenine a interprété Marx.
Bush, Pinochet, Ziyang et Sarkozy ont appliqué Friedman...
Nous vivons sous le regne de Friedman...
En l'occurrence ma Muse serait James Coburn, tu serais plutôt la clef, le lien entre tout cela...
En voyant 'Les croix de fer' (je suis dans une phase Peckinpah, j'ai d'ailleurs revu 'la horde sauvage' - The Wild Bunch - grâce à ton interprétation de Portishead) la première chose à laquelle j'ai pensé a été la lutte des classes (peut être parce que James Coburn a une tête de 'Working class hero')
En même temps s'il condamne la guerre, Peckinpah ne condamne pas la violence, Steiner est violent (comme dans les films de Peckinpah tu as la scène de fusillade finale au ralenti) - l'extériorisation de la violence bestiale est inhérente à la nature humaine...
Nous vivons sous le règne de Milton Friedman, mais en même temps je ne suis pas économiste.
Je vais lire Naomi Klein...
Fabuleux film.
Grande scène, celle ou Steiner rejette son plus haut supérieur, qui essaie d'être plus "humain" que l'aristocrate qui court après sa croix de fer.
(Sans croix de fer, comment pourrait-il se presenter devant sa famille...Même l'aristocrate est prisonnier quelque part...)
L'absurde jusqu'au bout...
Peckinpah est de toute facon un cas dans le monde du cinema.
The Osterman Weekend est extraordinaire sur les médias.
... et qu'il lui dit que de toutes façons il déteste tous les officiers sans différenciation, la lutte des classes dans toute sa splendeur...
Et l'aristocrate prisonnier de sa classe en définitive.
En RDA dans les dernières années du régime l'historiographie a (pour d'autres raisons également) réhabilité Bismarck car il représentait l'aristocrate prussien traditionnel "sorti" de sa classe...
Je n'ai pas vu 'The Osterman Weekend', je vais y remédier...
Chose amusante (Evidente en fait) sur Bismarck, il etait contre l'annexion des territoires francais apres 1870...
Si le Kaiser l'avait écouté...
"Apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia" est aussi un Peckinpah redoutable de cynisme.
Osterman Weekend a des faiblesses, c'est son dernier (Remonté contre sa volonté), mais un dernier Peckinpah, ca ne se refuse jamais.
Cross of Iron est vraiment un grand film, des amis allemands m'ont demandé de leur passer ca.
(En plus un des rares films ou on voit des vrais T-34 russes...).
Sur la lutte de classe, est ce vraiment cela qui motive Steiner ou la volonté de ne cautionner personne ?
The Osterman Weekend est une vraie tuerie !
Le voir à la téloche est une nécessité.
> Polymagoo : Bismarck était curieux et souvent caricaturé.
Merci pour les conseils cinéphiliques...
Je ne sais pas si Steiner est poussé par la lutte des classes, peut être que le personnage l'exprime malgré tout. Il ne veux cautionner personne, c'est sûr.
> AdCR : pourquoi nécessairement à la télé ?
Parce que:
"John Tanner: What you've just witnessed is, in many ways, a life-sized video game. You saw a liar talk to a killer and you couldn't tell them apart. But hey, it's only television. As you may know, television programs are just the filler between attempts to steal your money. So if you want to save some, turn me off. It's a simple movement, done with the hand and what is left of your free will. The moment is now. My bet is you can't do it. But go ahead and try.
[beat]
John Tanner: Am I still on? "
The Osterman Weekend est une feroce critique des médias et de la TV...
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